En forêt

Alors que le soleil se lève à l'horizon, je me réveille. Les premiers oiseaux entonnent leur chant. J'écoute leurs folles mélodies en souriant. Après quelques instants, je me lève enfin. J'ouvre mon coffre et cherche une tunique encore en état, puis l'enfile. Avisant ma ceinture poser sur la table, je la saisis et la passe autour de sa taille. Mon couteau rejoint sa place dans son fourreau, puis empruntant le chemin habituel, je descends de mon perchoir. Mes pieds entrent en contact avec le sol dans un bruit sourd. Les oiseaux cessent leur chant, mais je ne m'en préoccupe pas. J'avance droit devant moi et m'arrête de temps en temps pour manger quelques baies. Arrivée à une clairière où un magnifique cerf broute paisiblement, je m'arrête. J'attends qu'il m'a remarque, puis m'avance et caresse tendrement son pelage. L'animal semble sourire, du moins, c'est ce que je ressens.

Après quelques instants, je reprends ma route. Il me faut des vêtements et je ne peux m'en procurer que chez un habitant d'une ferme. Je sors donc de la forêt. Je marche une bonne heure sans rien apercevoir, puis une forme se distingue à l'horizon. Arrivée à proximité, je m'arrête et juge la bâtisse. Quelques vaches paissent non loin et un homme travail dans le champ. M'ayant vu, une femme s'approche de moi. Elle me regarde soupçonneuse et je la comprends.
- Bonjour, je suis désolée de vous déranger. Il me faudrait des vêtements et j'aimerais savoir si vous auriez un travail à me proposer.
Elle me regarde, décontenancée par mes propos.
- S'il vous plaît!
La femme hésite une fraction de secondes, puis tourne les talons. Je reste seule et attends. Elle ressors de la maison avec un seau et me le tend, puis me montre les vaches. Je hoche la tête et me dirige vers les bovins. Je sens de la peur chez les animaux. Arrivée à côté de la première vache, je lui murmure de douces paroles à l'oreille, puis commence la traite. Je répète la même manoeuvre à chaque fois, puis je retourne à la ferme avec mon seau plein. La femme me regarde hébétée. Je lui souris et lui tends le lait frai. Elle prend délicatement le seau.
- Suivez-moi
Sans me faire prier, je la suis et découvre l'intérieur très sobre de la ferme. La fermière m'invite à m'asseoir, ce que je fais. Elle pose le seau et vient en face de moi. Je soutiens son regard.
- Comment avez-vous fait? Cela fait des semaines que les vaches ne donnent plus de lait.
Elles étaient effrayés... mais je ne saurais dire par quoi.
- Le chien! J'en étais sûr.
Elle se lève précipitamment et sors de la pièce. Je ne bouge pas et profite pour observer la pièce. Elle me fait tant penser à ma ferme, à mes parents. Je chasse rapidement ces idées noires de mon esprit. La femme revient, les bras chargés.
- Pour vous remercier! Il y a des vêtements, une couverture et un peu de pain. Je suis désolée, mais je ne peux pas faire plus.
- C'est déjà beaucoup. Je vous remercie pour votre gentillesse.
La fermière me sourit et me tend un sac en cuir. Je la remercie une nouvelle fois et prends congé.

Le chemin du retour se passe bien et arrivée chez moi, je pose mon sac sur mon lit et entreprend de ranger.

Il était tôt ce matin et Nyome dormait profondément dans son petit lit en foin. Elle n'arrêtait pas de se tourner et hurlait presque quand soudain elle se réveilla en sursaut. Son tatouage encré dans sa peau brillait comme quand elle était en colère.

*J'ai encore fait ce terrible cauchemar, j'en ai marre ...*

Nyome se leva difficilement. Elle n'avait pas besoin de s'habiller vu qu'elle n'avait qu'une tenue qu'elle lavait tous les matins. Elle sortit alors à moitié endormie de sa maison et alla dans le petit jardin devant qui donnait sur la forêt. Il n'y avait pas âme qui vive, comme d'habitude ... On pouvait juste entendre le bruit du vent dans les arbres. Nyome se déshabilla et sauta dans la petite marre d'eau dans son jardin d'un coup sec pour se réveiller. Elle prit bien soin de replier ses ailes quand elle sauta car sinon ça lui faisait mal. Nyome nagea quelques minutes, faisant la planche puis elle prit ses affaires qu'elle avait posé à côté et les rinça.

Nyome sortit ensuite de l'eau et alla prendre son petit déjeuner. Pas dans sa cuisine. Mais dans la forêt. Elle ne pouvait pas aller au village sans déclencher une émeute d'étonnement et de rage et elle mangeait alors souvent des baies et des fruits. Elle n'aimait pas la viande et ne tuait point d'animaux pour manger. Quelques fois aussi, elle allait voler de la nourriture dans le peu de maison située dans la forêt. Elle ne volait bien sur qu'en l'absence des habitants ou très discrètement. Elle profitait également parfois de l'absence des gens pour voler des objets en plus de la nourriture.

Nyome partit alors prendre son petit-déjeuner. Elle était habituée à marcher mais elle était fainéante et préférait employer un moyen moins fatiguant : Ses ailes. Elle volait alors, ramassant quelques baies par ci par là quand elle en trouvait. Elle fit un moment une pause pour se reposer et s'assit, adossée au tronc d'un arbre. Elle regardait le ciel quand soudain elle se rendit compte que l'arbre était habité, il y avait une cabane en haut!

*Ah! C'est mon jour de chance*

Nyome n'était pas une fée méchante qui prenait plaisir à faire du mal aux autres en leur volant des choses, mais elle en était bien obligée.
Elle se rétrécissit alors de taille et vola jusqu'à la cabane. Elle était en effet habité. Mais son habitante était une jeune fille et Nyome n'était pas prête de renoncer à son repas, elle avait trouvé une maison, elle devait manger!

Nyome regarda attentivement les lieux et observa une miche de pain sur le lit. Elle fit attention que la jeune femme ne la regardait pas et elle fonça sur le lit où était situé la nourriture ...

Je commence par vider mon coffre et le nettoyer quelque peu, j'y range, ensuite, les vêtements que la femme m'a offerts. Je décide de garder les vieux que je les laverai en allant me baigner. Je trouverai sûrement un moyen de les raccommoder. Puis, je retourne à mon sac et sors la couverture que j'étends sur mon lit. Étonnée, je vois une bosse et me souviens tout à coup que c'est le pain. Je souris et soulève la couverture, mais, de surprise, je la relaisse tomber en voyant un petit être. J'étends mon esprit, mais ce n'est pas un animal, ou du moins pas comme les autres. Prudemment, je saisis un bord et le soulève.

La petite créature ailée n'était pas bien grande et elle semblait apeurée. Je m'accroupis pour la regarder de plus près. Après quelques instants, je me mets à passer en revu toutes les créatures peuplant les livres que ma mère me racontait. Celle que j'ai devant moi est bien trop petite pour faire partie de la famille des nains, des gnomes, des lutins ou des farfadets. Un Leprechaune peut-être, non... ils n'ont pas d'ailes. Une Minish... non... trop grande pour en être une et ils n'ont pas d'ailes non plus. Soudain, la réponse s'impose dans mon esprit... une fée!

- Bonjour petite fée!

Puis, j'aperçois un trou dans mon morceau de pain. Je souris et romps un morceau, puis je le tends à la petite créature.

Nyome s'était assise sous la couverture où il y avait le morceau de pain et mangeait tranquillement. Elle avait nullement peur et était même détendue. Elle écoutait les bruits que l'humaine pouvait faire. Que les bruits vous semblent immense lorsque vous êtes de la taille d'un doigt! Elle s'amusait à deviner qu'est ce que pouvait bien faire l'humaine, ouvrir le placard, prendre son sac ... pour une fois qu'elle avait un peu de distraction !

Nyome aperçut ensuite un rayon de soleil dans le noir sous la couette puis tout redevint noir. Elle ne comprit pas trop et ne bougea pas pour autant. Un moment s'écoula, elle se dit qu'elle avait du halluciner mais quelques secondes plus tard la jeune femme souleva la couverture et Nyome put alors l'apercevoir. Les paroles et le geste de la jeune femme lui tendant un bout de pain était trop gentil pour Nyome, elle ne voulait pas qu'on la traite comme un petit être ou avec pitié.

Nyome ne prit pas le bout de pain et se grandit à taille réelle. Elle se leva et regarda la propriétaire du lieu avec un regard dur. Elle n'avait presque jamais parlé à un inconnu et ne voulu pas, elle trouvait cela inutile.
Nyome mit sa main dans un petite bourse située au niveau de sa taille et en sortit de la poudre. Elle souffla en direction de la femme où la poudre partit. C'était une poudre pas très méchante mais bien utile : Elle permettait de rendre la vision d'un personne trouble et de lui donner des hallucinations. Nyome s'appréta alors à partir, laissant le bout de pain sur le lit, elle n'avait plus faim.

Alors que la fée grandit jusqu'à prendre taille humaine, je la regarde, ébahie. Son regard, dur et froid, me fait reculer d'un pas. Elle porte la main à sa taille et la plonge dans une bourse. Ensuite, la fée ressort sa main et j'aperçois une poudre étrange, pas si étrange que ça, j'en avais déjà vu et connaissait ses effets. Alors qu'elle s'apprête à la souffler dans ma direction, je ressens à nouveau la douleur qui me lacère le ventre. Je me laisse tomber sur le sol. La fée semble penser que c'est la poudre, car elle me tourne le dos et fait quelques pas vers la sortie. Je sais ce qui va se passer, et la panique me gagne. Je tente de l'avertir, mais aucun son ne sort de ma bouche. La douleur me rend muette. J'ai mal et cela augmente encore. Je lutte, mais soudain, j'abandonne. La force me quitte, ma volontée s'affaiblit, mon regard se voile.

Si la jeune fée s'était retournée, elle aurait été surprise de ne plus voir Lena. En effet, une louve était à présent couchée sur le sol de la cabane. Son regard était froid. Elle se leva et regarda la pauvre créature descendre de l'arbre. Sans hésitation, la louve bondit et rattrapa la fée. Elle lui coupa la route, montra les crocs et grogna. Puis, profitant de la surprise de la fée, elle lui bondit dessus. Le prédateur commença son travail. A coup de crocs et de griffes, elle lacéra la chair.

Je me trouve dans la forêt, mais elle n'est pas pareille. Les couleurs sont plus ternes et je n'entends plus les oiseaux chanter. Je reconnais l'endroit. J'y suis déjà venue plusieurs fois. Mais à cet instant, je sais qu'il faut que je parte et vite. Je me souviens de la fée, quittant ma cabane. Je me souviens de la douleur et j'ai peur de découvrir son corps déchiqueter. Je dois revenir à moi. Je dois me battre. La douleur est partie, mais je sais que le chemin est dur. Je cours, encore et encore, me faufilant à travers les broussailles, évitant les arbres. Je trébuche et me relève. Je dois la trouver. Je dois me dépêcher. La forêt est grande, il me faudra peut-être des heures. Ce n'est pas que la fée qui est en danger, mais tous les animaux peuplant ma forêt, celle où je vis, pas cette illusion... ce monde étrange. Soudain, j'arrive dans une clairière et elle est là. Je m'arrête. La louve me regarde, je m'approche. Va-t-elle m'attaquer comme à chaque fois... peu m'importe, je veux me réveiller et quitter ce monde. Elle me fixe, je continue ma progression. Et soudain, elle bondit.

Après son petit vol plané, la louve se releva. Elle jaugea la fée et montra les dents. La louve commença à lui tourner autour, cherchant une faille. Puis au moment où elle voulut bondir, elle se recroquevilla, une entaille se créa à son flan et le sang commença à se répandre sur le sol. Ses contours se modifièrent et elle redevint humaine.

J'ai mal. Elle m'a attaqué, à nouveau. Je suis blessée, à nouveau. J'espère juste que la fée est vivante. Je me doute que je n'ai qu'à ouvrir les yeux, mais je n'en ai ni la force, ni le courage. Je laisse le sang couler, cela finira bien par s'arrêter, comme à chaque fois.

Nyome était évanouie, allongée sur le sol, mais au fond d'elle, elle était tout de même consciente. Tout son ventre et son cou étaient griffés. Elle ouvrit lentement les yeux et se leva péniblement, s'asseyant sur le sol. Elle regarda autour d'elle.

* Aie ... C'était quoi ... * Elle avait la tête qui tournait mais elle essaya de reprendre ses esprits.
Quand elle aperçut la jeune fille allongée sur le sol, son sang coulant, elle s'approcha d'elle en rampant à moitié sur le sol, ayant du mal à marcher.
* Elle a pas l'air méchante ... Elle est gravement blessée ... Mais qu'est ce que je peux faire einh ... Je peux rien faire ...*
Nyome se sentait coupable car elle ne supportait pas de voir des personnes souffrir ...
Elle posa ensuite sa main sur sa blessure et sans le vouloir la plaie devint verte et Nyome vit de plus en plus trouble jusqu'à s'évanouir à nouveau.
La blessure de la jeune femme avait été guerrit ...

J'entends du mouvement à côté de moi, serais-ce la fée. Je n'ai toujours pas la force d'ouvrir les yeux. Soudain, là où mon sang me fuyait, un douce chaleur se répand. Par surprise, je trouve le courage de regarder. La fée est penchée au dessus de moi, elle a posé sa main sur ma plaie et je vois une lueur verte briller. La douleur me quitte et je cligne des yeux. Elle me guérit. Malgré ce que j'ai dû lui faire subir, elle me soigne. Soudain, la chaleur s'estompe et la fée s'évanouit. Je me redresse doucement, mais ne sens plus rien. Je regarde la fée à côté de moi et contemple avec horreur ce que j'ai fait. Sans hésiter, je la soulève délicatement et la monte, non sans difficulté, dans ma cabane. Je la pose sur mon lit et ouvre mon coffre. J'y sors une petit sacoche de cuir. A l'intérieur se trouve de nombreuses herbes. Je choisis la bonne et la pose sur la table. Je prends une tasse et cours à l'extérieur vers la rivière. Je la remplis et retourne la plus rapidement possible chez moi. J'y vers les herbes et à l'eau d'une petite cuillère, je mélange. L'eau prend une coloration verdâtre et les herbes se gonfle et forme une pâte que je prends dans mes mains et m'approche de la fée. Sur ses plaies j'applique la mixture, puis il ne reste plus qu'à attendre. J'espère qu'il n'est pas trop tard. Mes soins ne servent qu'à aider la cicatrisation, rien de plus, je n'ai pas de pouvoir magique comme elle. Je range mon matériel et m'assieds sur une chaise. Je sens que l'attente sera longue.

Un oiseau vient se poser à ma fenêtre. Il me fixe. Il veut savoir comment je vais, comme après chacun de mes blancs. Je lui réponds que je vais bien, mais que j'ai encore fait des dégâts. Il m'explique alors ce qu'il a vu et je frissonne en entendant ce qui m'arrive. La louve... elle me hante. Après encore quelques échanges, le volatile s'envole. Je reste seule. J'enfouis la tête dans mes mains. Cela ne peut plus durer. Un jour, je tuerai quelqu'un, il faut que je fuis ou alors, que je mette fin à mes jours pour protéger ceux qui m'entourent. Pour me réconforter, je me mets à chanter. La mélodie est trise, et une larme coule doucement le long de ma joue.

Alors que j'étais évanouie, perdue dans les nuages, de vagues sons parcouraient mon esprit. Je me sentais faible et fatiguée mais heureusement je ne souffrai d'aucune blessure profonde. Une douce mélodie me berçait, me poussant à rester endormi mais après quelques temps j'ouvris doucement les yeux. La jeune fille ne s'en rendit pas compte.

- Pourquoi pleurez-vous ... ?

Ce fut les premiers mots que je lui adressais après une heure ou deux.
Je baissai ensuite la tête et regarda mes blessures. Elles étaient recouvertes d'une patte verdatre et rugeuse.
*Pourquoi était-elle blessée au fait ? Où est passé la louve ... Je ne comprends pas ... Je n'ai presque jamais rencontré de louve auparavant etle peu que j'ai apercue ne m'ont jamais agressée de cette manière ...*
Je voulus me lever et m'asseoir sur le lit, j'essaya mais je n'avais que peu de force.
*Je ne savais pas que je pouvais soigner quelqu'un ... Celà n'est pas une pratique vaudou pourtant ... Et celà m'affaiblie beaucoup, c'est comme si je donnais une partie de ma vie à quelqu'un ... Enfin tant qu'elle est vivante ...*
Nyome paraissait pour tout le monde une personne distante et froide, ne parlant que peu ...

Je sursaute en entendant le son de sa voix. Je relève la tête. Que vais-je bien pouvoir lui dire. Je lui fais un triste sourire. Après quelques minutes de silence, je prends une grande inspiration. Elle devait savoir. Avec ses blessures, elle devrait rester allongé au moins une journée. Elle devait connaître les risques.

- Je pleure... parce que...

Je me tais. C'est dur, trop dur... pourtant je dois le faire.

- C'est moi... qui vous ai blessé. Je ne sais pas ce qui m'arrive. Cela commence par des maux de ventres et puis tout à coup, je me retrouve ailleurs, dans une forêt, qui je m'en doute n'existe pas vraiment. Je dois trouver une louve, ou du moins, c'est ainsi que j'ai fait jusqu'à maintenant, si je veux revenir à moi. Quand je la vois, elle m'attaque et je me réveille, blessée. Pendant ce temps là, je ne sais pas ce que je fais, ce que je deviens. Mais les animaux de la forêt me raconte. Je me transforme en louve et j'attaque sans pitié tout ce qui vie, tout ce qui bouge. La première fois, j'ai gravement blessé un cerf. Les fois suivantes, les animaux ont réussi à me fuir. Mais aujourd'hui, vous étiez là. Je... suis un monstre. Je ne sais pas ce qui m'arrive, mais je dois arrêter ça. Je sais que si ça continue, un jour, je tuerai quelqu'un.

Je fis une courte pause.

- Et... je pleure, parce que je me demande si la seule solution... n'est pas de me...

Les mots sont trop dur, je ne peux pas les prononcer. J'éclate en sanglot devant cette fée que je ne connais même pas. Je lui raconte ma vie, comme si c'était une amie. Elle va sûrement avoir peur de moi, et je la comprendrais.

D'un geste vif, j'essuie mes larmes et me lève.

- Excusez-moi... je vous raconte tout ça comme si vous pouviez m'aider, mais je dois me débrouiller seule. Prenez soin de vous.

Je lui lance un dernier regard, puis je lui tourne le dos. Je prends le couteau qui repose sur la table et me dirige vers la sortie. Si je n'ai pas le courage nécessaire, alors je fuirai.

Je la regarde d'un air ni doux, ni dur et je l'écoute attentivement. Cela ne m'étonne pas et ne me fait nullement peur ... Je la laisse finir son dialogue, sans l'interrompre, sans dire un mot ou laisser apparaitre une expression sur mon visage. Je ne dis rien, à aucun moment, je ne sais pas pourquoi ... Je ne suis pas habituée à parler ...

Lorsque finalement, elle prend le couteau sur la petite table et se retrouve face à la porte d'entrée, prête à partir, je crie :

- Non !

Tout en disant cela j'arrache le couteau qu'elle tient dans sa main par un courant d'air. Le couteau tourne pour finalement finir sa course dans le mur.

Un long silence s'installe ensuite dans la pièce, je ne dis toujours rien.
* Non ... J'ai quand même réussi à dire quatre mots depuis environ 2 heures ... Tu progresses Nyome, tu progresses.*

- Ne vous tuez pas. Cela n'est pas la meilleur solution ... On ne règle pas ses soucis en se tuant, c'est être faible.

Je fais une courte pause, comme ailleurs ...

- Et dans ce monde, la première règle est de ne pas faiblir ...
Ce n'est pas votre faute si vous blessez des gens ... Je connaissais une femme vaudou ... Elle avait étudié ce genre de problème et essayait de trouver un moyen pour y remédier ...
Mais elle n'eut pas assez de temps ...

* Elle m'avait un jour permit de l'observer durant ses recherches ... Mais j'étais trop petite ... Je ne comprenais pas ce qu'elle faisait ... Cependant je crois qu'elle m'avait parlé d'une personne vaudou qui, il parait, vivait loin d'ici ... Peut-être qu'elle pourrait la renseigner ... *

Je n'ai pas le temps de faire deux pas que le couteau me vole des mains. Je reste pétrifiée un instant, puis l'écoute, lui tournant toujours le dos.

- Être faible, c'est vrai... vous avez raison. Mais, je me bas, à chaque fois, quand la douleur vient, je me bas! Je sais ce qui se passera, mais il arrive un moment... où j'abandonne, parce que c'est trop dur. J'essaie de retenir ce qui me hante, mais à chaque fois, c'est plus dur et j'ai peur qu'un jour, ce soit trop dur.

Je me tais et me retourne pour la fixer dans les yeux.

- Si vous connaissez quelqu'un qui peut m'aider...

Je laisse la phrase en suspend, incapable de continuer, tellement ma gorge est serrée. Mais j'arrive avec un grand effort à sortir encore quelques mots.

- s'il vous plaît...

Je retourne m'asseoir, dépitée.

- C'est tout naturelle... après tout, c'est à cause de moi si vous êtes dans cette état, et puis, vous aussi vous m'avez soigné et bien mieux que je ne le fais. Vous devriez rester encore un moment coucher. Je ne suis pas magicienne... Le mélange que j'ai fait ne vous aide qu'à cicatriser, rien de plus...

Je me tais. Malgré le fait qu'elle ne puisse m'aider, je vais continuer à me battre contre cette chose. Je trouverai bien un moyen de l'arrêter... ou de la contrôler.

- Je préfère vous laisser vous reposer. Et puis... si ça arrive à nouveau, je préfère être le plus loin possible. Merci pour votre aide. Vos mots m'ont redonné un peu de courage. Je me battrai jusqu'à la victoire... ou la mort.

Je lui souris, puis je me lève. Je tire le couteau planté dans le bois et le pose sur la table. Puis, j'appelle un oiseau et lui demande de veiller sur elle, le temps qu'elle se rétablisse. S'il devait arriver quelques choses, il me préviendrait. Ensuite, je prends mon linge sale et le lance par la fenêtre. Juste avant de sortir, je me retourne vers la fée.

- Si l'envie vous prend de venir me dire bonjour, n'hésiter pas. Et en cas de... problèmes, un animal vous le fera comprendre.

Puis je saute et me réceptionne habilement sur le sol.

Je me retrouve seule dans la maison, le petit oiseau à mes côtés. Je me rallonge sur le lit et me repose en pensant ...

* Bon, ben maintenant qu'est ce que tu vas faire Nyo ? J'en sais rien ... Et cet jeune fille ... Ça m'embête de ne pas pouvoir l'aider ... Je voudrais bien, mais si je vais dans le village tout le monde va me prendre pour une sorcière ... Et je ne veux pas finir comme ma mère ... *

Je regarde attentivement autour de moi puis je ferme les yeux épuisée et m'endors dans un profond sommeil comme j'en ai rarement fait ... Faut comprendre, le lit était hyper douillet ... Comparé à lui, le mien c'est du béton !

Je me réveille quelques heures après, mes blessures sont toujours présentes mais je me sens un peu plus en forme. Je me lève alors. Difficilement, mais je me lève. J'ai été habituée à des conditions bien plus dures ... Je marche en direction de la sortie doucement, puis arrivée à la porte je m'arrête et regarde derrière moi. J'effectue quelques pas en arrière et prends discrètement les quelques roubles situés sur une petite table. Je regarde autour de moi et vois l'oiseau qui guette mes faits et gestes.

- Soit mignons tu veux, lui dit rien.

Je fais glisser les quelques roubles dans la petite bourse au niveau de mon bassin et je descends les escaliers de la cabane à l'aide de mes ailes qui se sont vites guérries.

* Bon ... Et maintenant tu vas aller où ... ? *

Après avoir rassemblé mes affaires, je me rends à la rivière. Je pose le tas de linges sales au bord de l'eau. Je me dévêtis et me glisse dans l'eau froide. Je frissonne à son contacte. Quelques brasses plus tard, je sors de l'eau, me habille et commence à laver mes habits.

Quelques poissons curieux viennent me voir. Je leur explique ce que je fais et leur confie tout ce qui me passe par la tête. Je sais pertinemment qu'ils ne comprennent pas tout, mais cela me fait du bien de parler. Ils restent très attentif à mes pensées et je sens leur désarroi face à certaines choses et leur intérêt face à d'autres. Même après avoir fini ma corvée, je reste assise à leur parler. Les minutes passent et se transforment en heures. Le soleil disparaît lentement derrière les montagnes que les arbres me cachent. Je décide de retourner chez moi. Les poissons reprennent leur chemin et, les bras chargés, je prends la direction de ma cabane.

Un loup hurle au loin, je sens quelques choses en moi, mais ne m'en soucie pas. C'est sûrement la peur qui tente de s'immiscer en moi, mais je ne céderai pas. Aucun signe de douleur, je ne crains rien. Mes pas me guide jusque chez moi. Habilement, je saute de branches en branches et me retrouve dans la cabane.

La fée est partie. Peut-être reviendra-t-elle un jour, ou peut-être que nos destins sont faits pour se recroiser. J'espère juste que si ce jour vient, je serai guérie. Sortant de mes réflexions, je range mon linge dans le coffre, puis après avoir demandé des nouvelles à l'oiseau, je me mets au lit et m'enfuie vers le pays des songes.